SUIRE, ERIC
Si le religieux est aujourdhui affaire personnelle et nest pas censé interférer avec le politique, il en allait tout autrement dans lEurope moderne.
Dans lancien monde, où la religion était structurante et commandait à tout et tous, le christianisme a forgé des concepts essentiels à la régulation des sociétés. Trois principes ont façonné les rapports entre Églises et États : lautorité vient de Dieu, les pouvoirs temporel et spirituel sont indépendants, les fins humaines sont subordonnées aux spirituelles. Ce cadre restait toutefois assez large pour justifier des politiques différentes. Les théologiens nont pas dicté une réponse unique quand le souverain, fût-il le pape, se trouva confronté à un conflit.
Déstabilisées par les réformes du XVIe siècle, les monarchies surent tirer profit de la dislocation de la Chrétienté latine, abandonnant la guerre religieuse pour la raison dÉtat. Aux siècles suivants, alors que le désenchantement du monde ôtait à la Création son aspect magique, lessor du rationalisme contribua autant à extraire la religion du champ politique quà asseoir la tutelle de lÉtat sur lÉglise.